Les démissions augmentent tellement aux États-Unis qu’on parle du phénomène de la Great Resignation. Ce phénomène frappe également l’Europe. Qu’en est-il en Suisse ?
La Grande Démission
The Great Resignation est un phénomène identifié par Anthony Klotz, professeur à la Texas A&M University.[1] Les démissions atteignent des records historiques aux États-Unis. À titre d’exemple, en août 2021, c’était presque 4 millions d’employés qui démissionnaient (alors qu’en moyenne autour des 2.5 millions sur les 10 dernières années).
Selon le journal Le Temps [2], en Suisse, « l’équivalent des statistiques américaines sur les départs n’existe pas. L’Office fédéral de la statistique (OFS) publie, une fois l’an, le taux de rotation des actifs. Et les derniers chiffres datent, forcément, de 2020. Ils permettent néanmoins d’apprendre que ce taux, licenciements compris, tourne en moyenne autour de 15%. En gros, chaque année, un travailleur sur six change de travail. En ce qui concerne les départs volontaires, en 2020, comme lors des années précédentes, il y a entre 6 et 7% d’actifs qui ont changé d’emploi parce qu’ils étaient insatisfaits, pour voir autre chose, pour retourner aux études ou pour des impératifs privés, comme la garde des enfants. »
Pourquoi les talents démissionnent ?
Les talents ont aujourd’hui le pouvoir. Le marché du travail suit la loi de l’offre et de la demande. Et à l’heure actuelle, on observe une forte demande des employeurs, et un nombre insuffisant de talents sur le marché. Les offres d’emploi en Suisse ont enregistré une hausse de 47% au premier trimestre 2022 par rapport à la même période de l’année précédente. En Suisse, un sondage de Manpower réalisé l’an passé a montré que 83% des employeurs interrogés éprouvent des difficultés à embaucher.
« Le marché est très sec quand il s’agit de profils d’experts. Laisser partir des profils compétents coute très cher aux entreprises » rappelle Jean David Hirschy du cabinet de recrutement Roche & Hirschy Executive Search
Si pendant longtemps la croyance a été que le salaire était le principal facteur d’attraction et de rétention, de nombreux rapports post covid ont démontré que les facteurs étaient plus compliqués que cela.
La crise sanitaire du Covid-19 nous a amenés à réfléchir sur nos vies et remettre en cause nos projets et actions. Selon la psychologue et spécialiste du burn-out Catherine Casey, le semi-confinement, en bouleversant notre rythme quotidien, nous a fait comprendre ce qui nous manquait et, dans certains cas, nous a poussé à donner notre démission.[3]
Selon des économistes comme Mark Zandi, il n’y a pas un facteur unique qui détermine ce comportement. Il s’agit plutôt d’un ensemble de charges diffuses : les salaires qui ne suffisent plus, le manque de possibilités d’évolution de carrière et les responsabilités croissantes, à des conditions de travail exténuantes ponctuées par la crainte de la prochaine variante du COVID-19.[4]
« Depuis 1 an, on observe un changement de paradigme. Les employés donnent une importance grandissante à la réputation, au style de management, à la flexibilité.
Une société qui offre un seul jour de travail depuis la maison sera-t-elle suffisamment compétitive face à une autre société ayant une approche plus souple du télétravail ? » témoigne Michel Roche du cabinet de recrutement Roche & Hirschy Executive Search
Cela étant, le salaire n’est pas à négliger.
« L’élément salarial est important. Attention, à ne pas vouloir faire des économies de bout de chandelles sur les avantages, on peut perdre ainsi des talents. Payer une formation peut être une alternative qui rentre dans le package. Développer les talents à l’interne est clé tant pour l’individu que pour l’entreprise. Les entreprises auraient tout avantage à développer des pépinières internes de talents » témoigne Jean-David Hirschy
Comment les employeurs peuvent-ils retenir leurs employés durant cette période ?
Pour retenir les talents, proposer un bon salaire ne suffit plus. Selon une étude EY[5], l’ambiance au travail est un critère déterminant pour les 18-40 ans. « Selon une étude du cabinet de conseil EY menée en Suisse, en Allemagne et en Autriche, plus de 60% des 18-40 ans y sont sensibles dans ces pays. Le salaire est relégué au second plan».
« Verbaliser la reconnaissance est essentiel. Trop souvent, on entend des talents nous dire « on ne nous dit jamais merci » ou encore « Mon entretien de fin d’année s’est déroulé en 15 minutes entre deux portes »précise Jean-David Hirschy
Les entreprises doivent être capables de s’adapter au changement et travailler sur leurs valeurs et leurs actions concrètes. Si vos employés se sentent estimés dans un environnement de travail flexible où ils adhèrent à la culture d’entreprise, et où ils peuvent aussi développer leurs compétences, y compris soft skills, ils auront moins de raison de chercher un autre emploi.[6]
« Les employés n’ont plus envie de subir une mauvaise ambiance ou aller au bureau la boule au ventre » selon Jean-David Hirschy
Comment les employeurs peuvent-ils recruter leurs employés durant cette période ?
Les processus de recrutement jouent un rôle clé dans ce contexte de pénurie de talents.
« Il existe un réel besoin de réactivité dans les recrutements. Les processus de recrutement doivent être accélérés avec des feedbacks réguliers pour augmenter la probabilité de succès. »
« Parfois, au lieu de chercher un mouton à 5 pattes, engager un.e candidat.e qui n’a pas toutes les compétences, mais que l’entreprise pourra former peut s’avérer une excellente stratégie. Le.la candidat.e en sera d’autant plus reconnaissant.e. » témoigne Michel Roche
Conclusion
Selon le baromètre de l’emploi au 1er trimestre 2022, plus de 100’000 postes sont à pourvoir sur le marché de l’emploi en Suisse, une tendance qui risque d’aller en augmentant avec l’effet démographique du départ à la retraite des baby boomers. Dans ce contexte, la gestion des talents est un enjeu majeur pour les entreprises.
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Nous nous réjouissons de vous rencontrer prochainement.
[1] https://www.letemps.ch/economie/demain-demissionnaires
[2] https://www.letemps.ch/economie/demain-demissionnaires
[3] https://www.letemps.ch/economie/catherine-vasey-psychologue-suisse-demissions-peuvent-taboues
[4] https://time.com/6106322/the-great-resignation-jobs/
[6] https://www.letemps.ch/economie/cinq-etapes-cles-prevenir-grande-fuite-personnel
